C'est en parlant de crise que l'on crée la crise

Source : Maxime Nicolas, pour Les Echos

La multiplication des discours alarmistes risque de modifier le comportement des agents économiques de telle sorte que les prévisions les plus sombres se réalisent.

Dix ans après la plus grande crise mondiale, le bouleversement subi est toujours présent dans l’inconscient collectif. Et pour cause l’économie est encore aujourd’hui sous thérapie monétaire ultra-accommodante. Les taux d’intérêt directeurs des banques centrales sont toujours maintenus artificiellement bas, voire négatifs, pour permettre aux Etats de continuer leurs politiques de relance budgétaire.

En dépit de nombreux économistes qui annoncent que cette situation inédite nous dirige une nouvelle fois vers une crise sans précédents, les banquiers centraux jugent que l’économie a encore besoin de cette injection de liquidités pour relancer l’investissement et la consommation.

Les indicateurs sont alarmistes !

Plusieurs indicateurs sont mis en avant par les économistes, principalement les tensions géopolitiques avec la guerre commerciale qui oppose les Etats-Unis avec la Chine mais également les incertitudes sur le Brexit. Par ailleurs des inquiétudes concernent cette abondance de liquidités qui aurait gonflé des bulles spéculatives, ce serait le cas du marché immobilier, des marchés actions ou encore du secteur de l’intelligence artificielle largement soutenu par les fonds de capital-investissement.

 
Des marqueurs macroéconomiques peuvent être mis en cause, comme l’accroissement rapide des inégalités de richesse, la croissance allemande à l’arrêt et d’autres instabilités qui peuvent étayer les pronostics d’une récession à venir. La prochaine crise semble inévitable tant la situation économique actuelle en porterait les germes, il n’est plus question de se demander s’il y aura bien une prochaine crise mais d’où viendra-t-elle.

L'explication de Nassim Taleb n'est pas vraiment optimiste...

La théorie nous enseigne que l’économie fait face à des cycles d’expansion et de récession. Mais peut-on réellement prévoir ces cycles ? Pour se plier à cet exercice on cherche aujourd’hui dans les crises passées des éléments qui pourraient se répéter. En revanche, même si les crises sont rétrospectivement explicables, elles nous donnent simplement l’illusion qu’on les a vues venir ou du moins qu’elles étaient prévisibles. Tout comme les crises précédentes se sont traduites par leur caractère inédit et inopiné il est très probable que la plupart des experts ne verront rien venir avec les modèles existants.

 
Selon l’essayiste Nassim Taleb, «Les systèmes économiques ignorent les interactions, les contagions, l'ultra complexité des phénomènes. Songez que les économistes jouent avec 37.000 données : on n'a pas vu de prévisions plus fiables que le lancer de fléchettes sur une cible.» Dans une économie sujette à des cycles il est chose aisée d’annoncer en haut de cycle une récession future sans trop se mouiller, mais en déterminer la date et la nature prend un tout autre niveau de complexité. Faire des prévisions serait-il symptomatique de notre société moderne qui rejette l’incertitude ?

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