François Lenglet: «La crise sociale mondialisée et les risques de crise financière annoncent la fin d’un cycle libéral»

Source : Le Figaro

Le 29 octobre 1929, Wall Street subissait un krach boursier historique. 90 ans plus tard, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle crise financière, doublée d’une crise sociale d’ampleur mondiale signalant l’effondrement de notre cycle libéral estime le journaliste économique François Lenglet.

Quatre-vingt-dix ans après le krach de Wall Street, notre système bancaire et financier a-t-il su tirer les leçons de l’histoire ou reste-t-il des fragilités qui font craindre de nouvelles crises ?

François LENGLET.- Fondamentalement, rien n’a changé. Le déterminant de ces crises - comme il en existe une ou deux par siècle - est la psychologie humaine et le désir d’amasser par l’intermédiaire de spéculations. Les banques finissent ainsi par être dépassées. Tout cela n’a pas changé et ne changera pas: il n’y a aucune assurance contre la bêtise et le désir d’amasser. Ce sont des choses ancrées dans la psychologie humaine et qui, à certains moments, sortent un peu de l’ordinaire. C’est une histoire millénaire qui est accrue par les phénomènes de foule qui eux-mêmes sont exacerbés par le réseau électronique de communication mondiale. La foule est devenue mondiale.

Cela dit, même en 1929, tout a été très rapide. Le premier câble transatlantique qui fait passer les informations financières instantanément d’un côté de l’Atlantique à l’autre date de 1865. Au moment de la crise, le monde est déjà relativement connecté. La finance est, de plus, toujours en avance parce qu’elle bénéficie des technologies les plus efficaces. Il faut garder à l’esprit que l’argent circule toujours à la vitesse de l’information: dès les premières technologies facilitant la transmission de l’information au XIXe siècle, la circulation de l’argent se développe.

La Banque centrale européenne joue-t-elle une politique du moindre mal ou est-elle dans une forme de fuite en avant dangereuse?

Mais c’est le moindre mal qui est une fuite en avant! C’est la leçon de 1929 et d’Irving Fisher sur la déflation par la dette. Dans les années 1930, Fisher est devenu méfiant et expliquait que le surplomb de la dette entraînait une diminution d’activité.

Or, le poids de la dette augmente aujourd’hui. Pour éviter cela, nous nous sommes lancés dans cette fuite en avant de création monétaire en 2008 car c’était la seule solution pour éviter un effondrement de l’économie. Et c’est toujours l’unique solution que nous avons. Cette solution, loin d’être idéale, est dans notre système (c’est-à-dire un monde où le capital est libre) la seule possible pour éviter que les dettes n’écrasent les acteurs de l’économie.

Les peuples ne sont-ils pas ingrats? La mondialisation a certes fait augmenter les inégalités mais a aussi permis de réduire la pauvreté dans le monde…

Nous n’entendons en effet pas les gagnants. Tout cela émane de pays où les inégalités sont plus fortes qu’ailleurs. Le Chili a profité de l’extraordinaire croissance du prix du cuivre - il est l’un des premiers producteurs au monde - et c’est la mondialisation qui lui a apporté cet avantage. Mais la répartition a été inégale à un moment où le cycle des matières premières s’est retourné: le bénéfice y est donc passé.

La Chine concentre les plus grands bénéficiaires de la mondialisation mais ne vit pas encore d’émeutes. À Hong Kong, la situation est plus fortement teintée de politique qu’ailleurs compte tenu de la forme du régime. Le bilan du cycle libéral est fait de façon un peu intempérante et excessive par ces révoltés mais probablement parce qu’ils en subissent davantage les inconvénients que d’autres qui, au contraire, en ont tiré parti.

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